Lumières d’été

 

Proche du documentaire, le film met en scène des survivants de la bombe de Hiroshima. Et choisit une forme légère pour ce sujet plein de gravité.

C'est une vieille dame qui, face caméra, raconte l'enfer. Elle avait 14 ans, et sa grande sœur, infirmière, 20 ans, lorsque la bombe est tombée dans leur quartier, à Hiroshima. Elle décrit les effets immédiats : les cadavres (« On ne distinguait plus hommes et femmes »), la ville rayée de la carte. Puis les effets retardés, la maladie qui emporte peu à peu sa sœur. Ce témoignage poignant semble au plus près d'une réalité vécue. La femme âgée qui s'exprime est pourtant une interprète. C'est la première fois que Jean-Gabriel Périot, remarqué jusque-là pour ses documentaires puissants (Eût-elle été criminelle... , Une jeunesse allemande), s'essaie à la fiction. Il fait le portrait d'un homme qui pourrait lui ressembler : Akihiro, cinéaste japonais vivant en France, venu à Hiroshima pour interviewer des survivants de la bombe atomique.

Cet homme, habité par le projet de son film, déambule près du fleuve. Dans un parc, près du dôme emblématique de Genbaku, l'un des rares bâtiments à être resté debout après l'explosion atomique, il rencontre une jeune femme étrange, en habit traditionnel. Elle l'emmène à travers la ville, puis dans un petit port, non loin, où ils font la connaissance d'un grand-père et de son petit-fils en train de pêcher. Le fond est grave, mais la forme, légère et douce. Lumières d'été est une balade sentimentale qui unit avec naturel passé et présent. Un récit d'apprentissage où les fantômes s'invitent volontiers, mais pour apaiser. Le réalisateur montre les dernières traces de l'événement terrible qui a eu lieu, tout en se tenant du côté de la vie. À noter que ce film est précédé d'un court métrage beaucoup plus noir, 200 000 Fantômes, déjà consacré à Hiroshima, en 2007.Un diaporama de centaines de photos du Genbaku dôme, avant et après l'explosion. On y voit la ville rasée, puis sa reconstruction progressive. Une formidable mosaïque de la mémoire, soutenue par une complainte au piano, envoûtante prière, du groupe britannique Current 93.

 

Jacques Morice
Télérama
16 août 2017